36, Quai des Orfèvres

 

Un film d’Olivier Marchal

 

Avec Daniel Auteuil, Gérard Depardieu, André Dussolier, Roschdy Zem, Valeria Golino, Daniel Duval, Francis Brasseur, Catherine Marchal, Guy Lecluyse…

 

Cela faisait longtemps que l’on attendait le renouveau du polar à la française, ce cinéma « d’hommes » magnifié par Melville jusque dans les années 70 et dont Michael Mann de l’autre côté de l’Atlantique a magnifiquement remis à jour à travers Heat et plus récemment Collateral.

 

Olivier Marchal, ex-flic, nous relate ici l’histoire d’une lutte, celle de deux grands patrons, celui de la BRI (Brigade de Répression et d’Intervention) et celui de la BRB (Brigade de Répression du Banditisme), une lutte de pouvoir et d’honneur.

 

Si Marchal n’est pas Michael Mann, on ressent dans son œuvre l’inspiration qu’il a puisé dans les œuvres, notamment Heat, de celui-ci. Mais Marchal ne s’est pas contenté de s’inspirer de Mann, il s’est inspiré de sa vie de flic, et celle de son partenaire d’écriture Dominique Loiseau. Et tout ce qu’il a vécu et appris, vu et retenu transpire à l’écran. Rarement un polar français n’aura atteint tel niveau de qualité, tant au niveau scénaristique que de la réalisation, des dialogues et de l’interprétation. Nous sommes face à un film qui arrache les tripes, vous laisse de marbre durant la projection où seul le silence face aux images exprime ce que votre cœur ressent à ce moment là.

 

Auteuil incarne Vrinks, le chef de la BRI, remplaçant tout juste Eddy, son collègue quittant la BRI pour le sud de la France.

Depardieu incarne Klein, le chef de la BRB.

Entre ces deux hommes, une femme qui les a séparé, la femme de Vrinks.

Entre ces deux hommes, un poste de directeur de la PJ à pourvoir, un fauteuil convoité par Klein.

Pour atteindre ce fauteuil de grand patron, il faut être le premier à coincer un gang de braqueurs de fourgons, violent et meurtrier depuis trop longtemps.

 

Les deux hommes vont se battre sur ce terrain, entraînant leurs équipes dans la lutte, dépassant parfois les limites de leur travail, se mouillant dangereusement.

 

L’interprétation apporte beaucoup de force au film.

 

Auteuil, en homme blessé, conquérant, dur, père et mari aimant, protecteur et pourtant fragile.

 

Depardieu livre une composition marquante, comme la parabole de sa propre vie. Homme cassé, accro à la boisson, avide de pouvoir, c’est un homme en détresse permanente, sur le fil de la vie qui lui échappe, cette vie de superflic, de star après laquelle il courre.

 

Grâce à des seconds rôles remarquablement choisis (Dussolier, Golino, Zem), on est d’emblée pris dans la tourmente des personnages, cherchant avec eux la bouffée d’oxygène avant de replonger dans les abysses de l’âme humaine…

 

Accompagné d’une musique profonde et d’une photographie impeccable, seul le montage est un peu abrupt parfois, la réalisation est au service de l’intrigue, sans effets superflus ou cascades irréalistes. Une belle maîtrise à tous les niveaux.

 

Un grand film de cinéma qui laisse présager, on l’espère, d’autres œuvres aussi fortes dans le cinéma français.

 

Car de Marchal à Schoendorffer, de Nicloux à Boukrieff, le polar français a retrouvé de la vigueur, du style et de la classe.

 

 

Arnaud Meunier

17/12/2004