7h58 ce matin là (Before the Devil knows you’re dead)

 

Un film de Sydney Lumet

 

Avec Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomeri, Albert Finney

 

A plus de 83 ans, Sidney Lumet a une carrière de réalisateur longue et très éclectique. Alternant le très bon et des œuvres plus banales, il réussit avec ce nouveau film l’un des sommets de sa riche carrière.

 

Construit comme une grande tragédie grecque, ou shakespearienne, 7h58 ce matin là est une œuvre glaçante, un drame implacable.

 

C’est l’histoire de deux frères, tous les deux en difficulté financière, pour des raisons différentes, l’un pour son addiction à l’héroïne qu’il consomme en utilisant les deniers de son entreprise, et l’autre divorcé, avec un travail qui ne lui permet pas de payer la pension alimentaire à sa femme et payer les loisirs de sa fille, qui le voit comme un vrai loser. Alors que tous les deux sont au plus bas, l’un avance l’idée de braquer une bijouterie et revendre les bijoux afin de nettoyer leurs dettes et repartir à zéro. Mais le magasin visé est celui de leurs parents, une petite bijouterie de banlieue.

 

Mais alors que tout semble se préparer sans encombre, le braquage tourne au drame et leur mère meurt sous les balles. Leur père cherche alors la vérité par tous les moyens, dénouant ainsi les liens tragiques qui unissent ses enfants à la mort de sa femme.

 

Œuvre profondément dramatique, portée par la fatalité de l’avenir des deux frères face aux conséquences de leurs actes, 7h58 égraine doucement le temps et projette les protagonistes dans une spirale de violence incontrôlable.

 

Grâce à un remarquable montage centré sur les personnages, la tension va crescendo pour atteindre une apogée brillante à la toute fin du film, terminant ainsi une grande tragédie familiale.

Philip Seymour Hoffman, Albert Finney sont tout simplement remarquables, tous les deux ayant cette rage dans le regard, mêlé à l’émotion et à la culpabilité.

 

7h58 peut également se lire comme un drame oedipien dans le sens où les enfants n’ont jamais pu se défaire de l’emprise et du succès de leurs parents, alors qu’eux vivotent et sont sur une pente descendante quotidiennement, l’un à cause de la drogue qu’il s’injecte dans les veines pour oublier, l’autre à cause d’un mariage raté et d’une destinée qui s’assombrit aussi vite que son compte en banque se vide.

 

Une tragédie familiale, qui éclabousse en dehors de son cercle, mais qui insinue et met en évidence la destruction de l’unité familiale, avec la destruction de l’intérieur d’un équilibre précaire.

 

Une réalisation remarquable et des comédiens au service d’un drame polymorphe, bouleversant et immoral.

 

Une réussite qui marque un point d’orgue dans la carrière de Lumet, que l’on espère voir réaliser d’autres œuvres de ce genre dans un futur proche.

 

Arnaud Meunier

19/09/2007