Eros
Triptyque
de Steven Soderbergh, Michelangelo Antonioni, Wong Kar Wai
Il filo pericoloso delle cose (Le périlleux
enchaînement des choses)
Réalisé par Michelangelo Antonioni
Avec Regina Nemni, Luisa Ranieri…
Eros, projet partiellement initié autour d’Antonioni, présente donc en premier le segment du réalisateur de Blow Up. Autant dire que la déception est grande à la découverte du périlleux enchaînement des choses.
Le scénario est plus que banal, un homme n’aime plus une femme qu’il désire, et il va coucher avec une voisine. Des discours vains sur fond d’un bord de mer insipide, une bourgeoisie (vêtements et véhicules de luxe). Un final avec les deux femmes nues dansant sur une plage déserte. Symbolique d’un moyen métrage vide de sens et d’intérêt.
Equilibrium
Réalisé par Steven Soderbergh
Avec Robert Downey Jr., Alan Arkin, Ele Keats…
Le second segment d’Eros est réalisé par Steven Soderbergh (Ocean’s Twelve). Il parle d’un homme en visite chez son psychiatre, auquel il parle d’un rêve mystérieux qu’il fait chaque nuit. Mais le psychiatre semble peu intéressé par ce qu’il raconte.
Equilibrium est un exercice de style réussi, dans un très beau noir et blanc. L’action se déroule en 1955 d’ailleurs.
Il évoque le désir d’un homme pour une femme qu’il voit dans son rêve, qu’il aimerait être sienne. L’évocation subtile d’un désir charnel, d’un désir sublimé. La représentation, la projection d’un désir, car l’homme s’aperçoit finalement que cette personne qu’il désire n’est autre que sa femme, celle qu’il aimerait peut-être voir sous un jour nouveau, un jour passé peut-être, celui de l’aventure et de la fougue, de la passion, de l’amour. Celui où la routine n’avait pas encore pris le pas sur le couple.
Une jolie réussite donc pour ce segment, qui ne fait qu’attiser
notre désir de découvrir le dernier segment.
The Hand
Réalisé par
Wong Kar Wai
Avec Gong Li, Chang Chen…
Présenté en dernier, le segment de Wong Kar Wai est pourtant le plus réussi des trois. Et ce n’est que tant mieux. La qualité monte crescendo pour atteindre ici un sommet.
The hand raconte l’histoire d’un jeune tailleur, qui est un jour demandé par une femme, riche et belle, pour tailler ses robes. La jeune femme va lui faire ressentir le désir, un amour à la fois distant et charnel.
On retrouve ici ce qui faisait le charme d’In the mood for love, cette passion non consumée, d’une pureté indicible. Même si 2046 n’était pas à la hauteur des attentes, déconcertant tant sur le fond que la forme, The Hand est aussi une prolongation du travail du cinéaste hongkongais. La belle Gong Li et l’excellent Chang Chen échangent entre eux plus de désir que les corps ne peuvent exprimer.
L’histoire, triste et tragique, mélancolique, fascine dès les premiers instants et ne nous lâche plus jusqu’au final, épilogue d’une tragédie grecque somptueuse. Je ne vous révèlerai pas à quoi le titre fait référence dans ce segment. La découverte n’en est que plus intéressante et captivante.
Des images magnifiques, grâce au directeur photo Christopher Doyle, qui ne font qu’attiser un peu plus notre désir.
Wong Kar Wai retrouve son cinéma, l’émotion et l’évocation du désir. Nous attendons avec impatience sa prochaine œuvre The Lady from Shanghai.
Comme dans Three Extremes, l’inégalité des segments est évidente, Wong Kar Wai étant bien au-dessus de ses compères. Antonioni réalise un segment de médiocre qualité, Soderbergh un joli exercice de style, réussi mais pas emballant.
Les transitions, génériques de début et de fin, sont très réussies, avec une musique classique, légère.
Malgré son ensemble plutôt moyen, Eros est à découvrir, ne serait-ce que pour le segment de Wong Kar Wai qui mérite le coup d’œil à lui tout seul.
Arnaud Meunier
10/07/2005