Incendies

Un film de / A movie by Denis Villeneuve

D’après la pièce de / From the play of Wajdi Mouawad

Avec / With Lubna Azabal, Rémy Girard, Mélissa Désormeaux-Poulin, Maxim Gaudette…

Synopsis : A la lecture du testament de leur mère, Jeanne et Simon Marwan se voient remettre deux enveloppes : l’une destinée à un père qu’ils croyaient mort et l‘autre à un frère dont ils ignoraient l’existence.
Jeanne voit dans cet énigmatique legs la clé du silence de sa mère, enfermée dans un mutisme inexpliqué les dernières semaines précédant sa mort. Elle décide immédiatement de partir au Moyen Orient exhumer le passé de cette famille dont elle ne sait presque rien…
Simon, lui, n’a que faire des caprices posthumes de cette mère qui s’est toujours montrée distante. Mais son amour pour sa sœur jumelle le poussera bientôt à rejoindre Jeanne et à sillonner avec elle le pays de leurs ancêtres sur la piste d’une mère bien loin de celle qu’ils ont connue.

Précédé d’une critique au diapason, Incendies, nouveau film de Denis Villeneuve (Un 32 août sur terre),  marque(ra) les esprits.

Adapté de la pièce de Wajdi Mouawad, Incendies est une remarquable plongée au cœur d’une famille fragile, dont la mort de la mère va permettre de lever le voile sur un passé trouble et silencieux.

Portés par les comédiens et un scénario tout à fait remarquable, cette quête dans un Moyen-Orient en guerre, évoquant implicitement les heures sombres du Liban, Incendies se vit comme une expérience universelle, entre tragédie grecque époustouflante et quête absolue de vérité.

Le poids des racines se porte toute sa vie, et ce combat désespéré pour la vérité, c’est celui que vont devoir porter les deux enfants de Nawal Marwan, même s’ils ne partagent pas forcément la même vision des actions à mener.

Le courage de la jeune Jeanne, qui va retracer la vie de sa mère sur le terrain, cherchant des témoins, cherchant de l’aide, trouvant parfois des réponses, soulevant parfois plus de mystères, va s’opposer à l’attentisme de son frère Simon, bien décidé à tourner à la page à la mort de sa mère.

Lubna Azabal interprète avec force et émotion la mère, combattante d’une cause, portée par la passion et la justice, elle aussi en quête, celle pour retrouver ce fils abandonné à la naissance, cet enfant de la « honte », que pourtant elle portait dans son cœur, malgré le poids des traditions et des préjugés.

Le récit mêle avec brio les deux histoires, celle de la mère, et celles des enfants et Denis Villeneuve fait preuve d’une grande virtuosité dans le cadre et le montage. Dans des décors arides, marqués, les histoires s’entrechoquent, et un étonnant parallèle se fait entre celles-ci, la quête du père et du frère rejoint celle de la mère et de la sœur, de l’amie, la quête d’une histoire au sein d’une plus grande.

Dur et émouvant, Incendies parle d’exil et de fuite, la fuite en avant pour laisser le passé derrière soi, celui de la mère, quittant sa terre pour permettre à ses enfants de vivre « normalement » au Canada. L’exil aussi pour les déplacés de la guerre ou de la vie. Mais l’exil n’éteint jamais le passé, et pour écrire l’épilogue d’une histoire, il faut parfois retourner sur les traces d’une histoire pour en déchiffrer les derniers mots.

Incendies est sans conteste l’un des grands films du début 2011, une œuvre qui marque longtemps après le générique de fin.

Arnaud Meunier

23/01/2011