Le Canardeur
(Thunderbolt and Lightfoot)
Un film de Michael Cimino
Avec Clint
Eastwood, Jeff Bridges, Geoffrey Lewis, George Kennedy….
Avant Voyage au bout de l’enfer (The deer hunter), où Cimino racontait le Viêt-Nam désespéré et fossoyeur de la jeunesse américaine des années 60-70, le cinéaste écrivit et réalisa Le Canardeur, un road-movie, son premier film.
Et en le découvrant, on ne peut que l’associer à son œuvre suivante avec laquelle il compose une continuité douce-amère sur le rêve américain, une chronique d’un rêve brisé, d’une jeunesse perdue, et de ceux qui se sont cassés les dents sur ce rêve américain.
Il raconte la rencontre d’un jeune homme, sans racines, vivant de larcins avec un truand reconverti en prêtre, mais à qui le passé fait un clin d’œil en forme de tentative d’assassinat. Une rencontre improbable, fulgurante, qui va les conduire sur les routes d’une Amérique désespérée. Finalement rejoints par leurs deux poursuivants, ex-compères de « Thunderbolt », ils vont échafauder un plan pour dérober l’argent d’une banque.
Mais outre l’histoire, plutôt anecdotique de ce vol qui se construit au fil du temps, avec patience et impatience, Le Canardeur est avant tout l’histoire d’une amitié, entre deux générations, celle de la jeunesse fougueuse de Lightfoot (ridiculeusement traduit en français par « Lapin agile »), qui vit au jour le jour, sans chercher à construire quoi que ce soit, un abandon à l’Amérique, à ses routes interminables, à ses espaces grandioses, à ses rencontres avec l’expérience d’un homme qui cherche à se repentir, à retrouver une vie paisible. Thunderbolt se prend pourtant d’amitié pour le jeune homme et se laisse entraîner avec lui sur les routes pour une nouvelle expérience.
Une rencontre qui va également l’amener sur les traces de son passé, à la recherche d’un trésor perdu.
Chronique au ton parfois désabusé, dur ou enjoué, Le Canardeur est aussi un portrait de ces gens qui ont souffert de la guerre, celle du Viêt-nam ou celle de Corée, et qui n’arrivent pas à se refaire une place dans la société, évoluant toujours en marge de celle-ci, continuellement.
La réussite du film tient pour beaucoup dans l’excellente interprétation des comédiens : Jeff Bridges campe Lightfoot, le jeune homme, séducteur, affranchi de toutes lois et limites, pour qui le risque représente la vie. Il est remarquable de bout en bout, jusqu’à la scène finale tout simplement magistrale où la vie le quitte ; Clint Eastwood incarne Thunderbolt, qui devenu prêtre après avoir effectué l’un des « coups » les plus magistraux du cambriolage cherche à se fondre dans la masse. Mais sa rencontre avec Lighfoot va changer le cours de son existence et le convaincre de reprendre du service. Un rôle à la mesure d’Eastwood qui parle peu. A leurs côtés, deux comédiens de renom du cinéma et de la télévision, Geoffrey Lewis et George Kennedy, qui campe le duo aux trousses de Thunderbolt et Lighfoot avant de se réunir avec eux pour former une bande.
Cimino est l’un des cinéastes américains, heureusement un peu plus nombreux aujourd’hui, à ne pas mettre en scène une sorte de « rêve » aseptisé. Il raconte cette histoire en évoquant par peintures successives les travers de la société américaine de l’époque, avec déjà cette peur qui existe dans les yeux des gens dès que quelqu’un semble « différent ». Les peurs de l’Amérique bien pensante sont mises en exergue avec le mode de vie très libre des compagnons de route, qui improvisent au fil de leur chemin.
Un film précurseur de ce que deviendra par la suite la marque de Cimino, notamment dans Voyage au bout de l’enfer, son plus grand succès à ce jour, où il relatait le Viêt-Nam avec une grande force et ce même regard critique envers un pays totalitariste.
Mis en scène de manière dynamique, Cimino sait aussi bien filmer les poursuites en voiture, impressionnantes, que les paysages paisibles du Montana
Un beau film à découvrir.
Arnaud Meunier
08/10/2005