Le Couperet
Un film de Costa-Gavras
Avec José, Garcia, Karin Viard, Ulrich Tukur, Olivier Gourmet, Yolande Moreau…
Costa-Gavras est un cinéaste dont chaque œuvre est une parcelle de vérité politique et de révolte dans notre monde sclérosé par le capitalisme aveugle.
Qu’il parle de disparitions politiques comme dans Missing ou de la disparition de juifs durant la seconde guerre mondiale dans Amen, à travers la réaction de l’église catholique, il s’engage, provoque, frappe du poing.
Et Le Couperet ne fait pas exception à cette règle. Certes la trame est différente, puisque que le réalisateur suit un chômeur, un chômeur victime de la délocalisation sauvage au nom du profit marchand. Il filme un homme qui est face à ses doutes, ne se sentant plus « utile » à la société, prêt à tout pour reprendre un travail qui lui rendrait sa position sociale, un bien-être qu’il cherche à retrouver.
Cela nous amène à une profonde réflexion sur l’homme et sa nature - « l’homme est un loup pour l’homme » -, serions nous prêts à commettre un crime de sang pour un travail, une position sociale que l’on veut retrouver ?
Costa-Gavras apporte une réponse parmi d’autres en suivant un homme, ancien cadre d’une grande entreprise de papier, au chômage depuis plus de deux ans. Lassé des entretiens qui n’aboutissent pas il décide de supprimer ses concurrents un à un pour obtenir le poste qu’il souhaite avoir.
Humour acerbe, cynique, Costa-Gavras n’utilise pas d’effet de style inutile. Il suit Bruno Davert, magnifiquement interprété par José Garcia, dans sa quête, dans son parcours dans le nord de la France, éliminant ses concurrents, des types comme lui, mariés, avec des enfants, habitant un joli pavillon dans une jolie petite ville. Rien ne les différencie les uns des autres, si ce n’est que Bruno va choisir de les éliminer un à un par un audacieux stratagème.
José Garcia trouve ici un rôle à contre-emploi, mais à la dimension de son talent. Noir, profond, il glace par la froideur de son regard et de ses gestes, ceux d’un homme prêt à tout pour retrouver son rang.
A ses côtés, Karin Viard, sa femme, aimante, distante, dans un rôle tout en retenue.
On notera la présence d’Olivier Gourmet, l’ultime obstacle au poste qu’il convoite. Gourmet, qui malgré peu de scènes brille encore face caméra. Enfin, Ulrich Tukur, dans un bref passage, qui retrouve le réalisateur d’Amen, film dans lequel il tenait l’un des rôles principaux.
Avec ce film, Costa-Gavras cherche une nouvelle fois à provoquer notre réaction pour que le débat se prolonge au-delà du générique de fin.
Le travail, et plus largement la réussite sociale sont devenus des objectifs que chacun doit avoir en ligne de mire, tout comme le profit. Le profit qui conduit à détruire ce qui a été bâtit pour ne générer que plus de profit.
Qui peut prévoir les effets néfastes à long terme de cette course effrénée pour le plus grand profit ? Les délocalisations sont-elles profitables à l’économie ?
Pour quelques dollars en plus… cela vaut-il la peine de détruire la vie des gens ?
Loin d’apporter une solution à ces problèmes, Costa-Gavras propose un point de vue pour enrichir le débat permanent.
Un film à voir, pour José Garcia, pour la réflexion qu’il suscite…
Arnaud Meunier
06/03/2005