Omagh
Un film de Pete Travis
Avec Stuart Graham, Gerard McSorley, Michelle Forbes, Peter Balance…
Omagh, 15 août 1998, 15h10. Une voiture piégée explose dans une rue fréquentée de cette ville d’Irlande du Nord.
Bilan : 29 morts, plus de 250 blessés.
Bilan terrible d’un conflit qui l’est tout autant depuis des dizaines d’années.
Car ce sont toujours les civils qui sont les victimes de la guerre politique qui se joue en permanence, le peuple perd son humanité car il est méprisé de part et d’autres, par le pouvoir comme par les terroristes.
Après le brillant et déjà dur Bloody Sunday, Paul Greengrass a écrit ce film en collaboration avec Guy Hibbert, qu’il a également co-produit.
Comme il le dit lui-même, les deux événements distincts de 25 ans que sont le « bloody Sunday » de Derry en 1973 et Omagh en 1998, sont les symboles d’un conflit qui dure et qui ne trouve pas d’issue. Un conflit qui a fait des milliers de victimes, dont un grand nombre de civils innocents, souvent malheureusement les premières victimes de ces conflits.
Greengrass laisse la caméra à Pete Travis, mais le style reste le même.
Comme pour Bloody Sunday, on assiste à une fiction-documentaire, tant les reconstitutions sont soignées. Car il ne s’agit pas forcément des détails, il s’agit surtout de la manière de filmer, de capturer ces moments qui ont précédés et suivis le drame.
La caméra filme les gens en train de faire leur shopping, de réparer leur voiture, ces enfants espagnols en voyage scolaire, des morceaux de vie qui comme dans Bloody Sunday ne font qu’ajouter à l’horreur. Les vies volées, détruites en quelques instants.
Peu avant l’explosion, aussi soudaine qu’elle puisse l’être, on assiste au regroupement des personnes près de la voiture piégée, alors que les policiers bloquent la rue. L’appel indiquant la bombe n’étant pas clair, les policiers évacuèrent les gens dans la mauvaise direction, causant le drame irrémédiable.
Un autre film commence après l’explosion. Un film où on voit les familles des victimes, meurtries, se soutenir, pleurer, souffrir, s’engager derrière Michael Gallagher, qui prit la « tête » de cette association.
Comme le démontre le film, les autorités irlandaises et anglaises ont empêché tout jugement dans cette affaire odieuse, pour des raisons politiques (la connaissance de l’attentat avant qu’il ait lieu, le processus de paix menacé).
Mais ce sont les souffrances des familles que l’on voit, cette mère qui pleure son fils devant le QG de l’organisation terroriste, ce père qui se bat sans relâche pour la justice en laquelle il croit…
Gerard McSorley, déjà présent dans Bloody Sunday comme d’autres comédiens du film, incarne Michael Gallagher, dont le fils Aiden trouva la mort dans l’explosion de la voiture. Sa présence et son émotion vous touchent au plus profond, c’est le portrait d’un homme qui souffre et se bat. Sa présence est indéniablement l’un des succès de ce film, qui doit beaucoup à l’interprétation pleine d’humilité des comédiens.
La réalisation est énergique, mouvementée, un style documentaire qui donne de la force aux images. Car ce sont ces cadrages hasardeux, ces flous délibérés qui rendent le film si proche de la réalité et qui provoque l’émotion.
Omagh est un film qui est comme Bloody Sunday le témoignage d’un conflit qui dure depuis trop longtemps, un conflit dont les victimes innocentes tombent dans l’oubli au nom d’un hypothétique plan de paix que l’on sait difficile à mettre en place.
Un film qui est à découvrir, puisqu’il ne restera pas longtemps malheureusement à l’affiche…
Arnaud Meunier
26/03/2005