Truman Capote (Capote)
Un film de Bennett Miller
D’après l’œuvre de Gerald Clarke
Avec Philip Seymour Hoffman, Catherine
Keener, Clifton Collins Jr., Chris Cooper, Bruce
Greenwood…
Premier film de Bennett Miller, Capote revient non pas sur la vie de l’écrivain et journaliste, tel un biopic classique, mais sur l’affaire Clutter, qui inspira à l’auteur son œuvre la plus célèbre, De Sang Froid, un best-seller qui retraçait en détails la tragédie qui avait frappé cette famille du Kansas profond.
Ce récit est la rencontre de deux mondes, diamétralement opposés. Celui du très new-yorkais, people et gay Truman Capote, et celui du Kansas profond, de l’Amérique rurale et croyante, paisible en surface.
L’auteur new-yorkais, intrigué par cette affaire, décide de se rendre sur les lieux du drame, au Kansas et rencontre rapidement les meurtriers interpellés peu de temps après leur méfait. Un lien étrange se noue alors entre Capote et Perry Smith, l’un des assassins.
Ces rapports ambigus, controversés, vont faire de cette affaire un évènement. L’auteur va s’immiscer dans le quotidien de cette ville du Kansas, dans le quotidien des détenus en venant fréquemment parler avec eux, mais également s’éloigner, pour écrire, pour s’amuser des mondanités new-yorkaises.
Dès les premières secondes du film, on découvre le comédien Philip Seymour Hoffman, sous les traits de Capote. Et l’on comprend soudainement mieux les éloges qui lui ont été faites sur cette composition remarquable. L’acteur s’est littéralement effacé derrière les traits de Truman Capote. Sa voix, son physique, ses manières très efféminées, Seymour Hoffman a capté tout cela, sans pour autant perdre l’émotion et la passion qui animaient l’écrivain.
La première œuvre de fiction de Miller, après un documentaire en 1998, est admirablement maîtrisée. Sa mise en scène est appliquée, et il laisse de l’espace aux comédiens, Seymour Hoffman et Keener y sont formidables ; Clifton Collins Jr et Cooper impeccables.
Le récit de Capote, dans un style inédit, se rapprochait autant du travail de journaliste que celui de romancier. Partant de faits réels, d’une tragédie, il chercha à savoir pourquoi, pourquoi notamment Perry Smith, dont il se sentait très proche, avait commis ces actes horribles. L’investissement de Capote, fasciné par cette histoire et ses personnages typiques, atypiques aussi, fut complet et malgré la distance qu’il mit parfois entre lui et son sujet, « abandonnant » Smith, jamais il ne put mettre de côté cette histoire jusqu’à en connaître les moindres détails, jusqu’à retranscrire sur le papier ses émotions, sa vision romancée d’un drame.
Le succès de cette œuvre fut aussi la perte de Capote qui sombra peu à peu dans l’alcoolisme, abandonnant ses amis et n’écrivant plus un roman par la suit.
Dandy new-yorkais, apprêté et arrogant, Capote fascinait, un personnage comme il n’y en a plus beaucoup dans la littérature contemporaine.
Nappé d’une musique suave et harmonieuse, Capote (titre en version originale) est un film à découvrir, pour un réalisateur talentueux et pour un acteur immense, justement récompensé par l’Oscar du meilleur acteur.
Arnaud Meunier
11/03/2006