Guêpier pour trois abeilles (The Honey Pot)

 

Un film de Joseph Mankiewicz

 

D’après Volpone (Ben Jonson), Mr Fox of Venice (Frederick Knott), Evil of the Day (Thomas Sterling)

 

Avec Rex Harrison, Susan Hayward, Cliff Robertson, Capucine, Edie Adams, Maggie Smith, Adolfo Celi

 

 

Ce film du cineaste n’atteint pas, disons le d’emblée, la qualité de All about Eve ou encore Sleuth (Le Limier), mais The Honey Pot, adaptation libre et enjouée de Mr Fox of Venice est une œuvre qui montre bien la qualité et l’intelligence de Mankiewicz.

 

 

Cecil Fox est un homme fortuné qui décide de jouer un tour à ses anciennes compagnes, se faisant passer pour mourrant et n’ayant plus qu’à désigner la personne qui héritera de ses biens. Pour cela, il engage un homme, William McFly, qui est chargé de mettre en scène la « pièce ». Lorsque les trois femmes arrivent, le jeu commence…

 

Magnifiquement écrit, avec une intelligence et une subtilité que l’on retrouve dans les œuvres du maître, The Honey Pot s’articule merveilleusement bien. Acerbe, drôle, amusant, intriguant, il laisse planer un suspens qui ne se dément pas jusqu’aux dernières secondes du film. Une œuvre maîtrisée et exaltante où les comédiens prennent du plaisir à jouer.

 

Le casting était un élément important de cette farce sise à Venise, tournée presque à huis clos, dans le palazzo de Cecil Fox. Rex Harrison incarne Cecil Fox avec grand plaisir, un plaisir que l’on voit à l’écran. La farce d’un homme vieilli qui pourtant a envie de s’amuser comme à 20 ans et qui s’amuse d’ailleurs beaucoup.

 

A ses côtés, on retrouve son metteur en scène, Cliff Robertson, qui va orchestrer les « festivités ». Inquiétant, ténébreux, l’acteur compose son personnage avec une ambiguïté extrêmement réussie, ce qui en fait l’un des moteurs de l’intrigue.

 

Place maintenant à la gent féminine : Susan Hayward, Edie Adams, et Capucine incarnent chacune l’une des ex-compagnes de Cecil Fox. Toutes souhaitent récupérer l’héritage de cet homme dont elles ont un jour partager le cœur. Chacune avec ses raisons, chacune avec son dessein, plus ou moins heureux d’ailleurs.

 

Leur complémentarité et leurs différences font de leur ballet autour du futur « défunt » un régal. Chacune aborde un style particulier : Capucine incarne une princesse sans le sou ; Susan Hayward, une riche et arrogante texane prête à tout pour s’enrichir encore plus et Edie Adams une jeune écervelée, également sans le sou. Ennemies pour la conquête de l’héritage mais toutes les trois prises au piège du jeu.

 

Mais il est un personnage fort important dans le film. Celui de l’assistance de Mrs Sheridan, Sarah, incarnée ici par Maggie Smith. Un rôle intéressant pour la jeune comédienne de l’époque.

 

Car Sarah Watkins n’aime pas sa patronne, Mrs Sheridan. Elle la soutien, est à ses ordres malgré le ton brutal et méchant sur lequel elle lui parle constamment. Mais après la disparition de sa patronne, elle va prendre de l’importance et devenir l’un des personnages principaux de l’histoire, menant une enquête à bien des égards risqués.

 

Mankiewicz a tourné à Cinecitta, y faisant même référence le temps d’une scène où McFly montre une chaise marqué du nom de Cinecitta. Il a également tourné quelques scènes d’extérieur à Venise même. Le pallazo de Cecil Fox est magnifique, un terrain de jeu et de trouvailles, surplombé d’un jardin au panorama somptueux. La réalisation du cinéaste est enlevée, en mouvements, s’amuse des personnages et des situations, joue avec le spectateur.

 

Autant dire que le plaisir est grandement partagé. Comme dans Le Limier, que Mankiewicz tourna plus tard, l’intrigue est si bien construite qu’il est difficile d’en démêler les nœuds. C’est ce qui en fait son grand intérêt puisque ce ne sont que dans les dernières minutes, voire secondes que nous avons le fin mot de l’histoire. Un plaisir de cinéma trop rare aujourd’hui où les intrigues sont parfois sacrifiées pour le spectacle.

 

The Honey Pot est un film à découvrir pour qui aime le bon cinéma et le cinéma du grand Mankiewicz. La découverte de chacune de ses œuvres est un réel plaisir…

 

 

Arnaud Meunier

05/02/2006