L’Ennemi Intime

 

Un film de Florent Emilio Siri

 

Avec Benoît Magimel, Albert Dupontel, Fellag, Aurélien Recoing

 

Le cinéma français est resté, malgré le temps, plutôt frileux pour évoquer la guerre d’Algérie, officiellement reconnue en 1999 seulement par l’Etat français. La France a toujours été réticente à évoquer ce passé douloureux et à l’expier, contrairement au cinéma américain qui répond toujours promptement à l’actualité, que ce soit sur la Guerre du Vietnam ou les deux guerres irakiennes.

 

Toujours est-il que le temps fait son œuvre et que des cinéastes plus jeunes souhaitent aujourd’hui évoquer le passé historique français sans détour. Rachid Bouchareb a ouvert une voie grâce à Indigènes, sans romancer la colonisation française.

 

Florent Emilio Siri a souhaité lui évoquer la guerre d’Algérie, mais plus précisément le destin d’une petite compagnie et celui de ses membres, dans les montagnes de Kabylie, lors des affrontements entre le FLN et l’Armée Française. Drame confidentiel et encore relativement tabou malgré les 45 années passées depuis la fin de la guerre et l’indépendance algérienne, le cinéaste s’est appuyé sur le documentaire de xxxxx , véritable témoignage de cette guerre barbare où la torture faisait chaque jour des victimes, d’un côté comme de l’autre.

 

Le film suit particulièrement le parcours d’un jeune lieutenant, Terrien, qui arrive avec une vision idéaliste de la guerre, sans brutalité, sans torture, mais qui glisse doucement, comme nombre de ses camarades vers l’impunité et la violence, poussé par une hiérarchie qui a anoblit ces procédés et agit impunément, malgré la morale.

 

Entre repérages, batailles rangées dans les montagnes, le quotidien de ces jeunes hommes est aussi fait de détente le soir venu, dans l’alcool généralement, pour évacuer une pression bien trop lourdes pour les épaules de gamins d’une vingtaine d’années.

 

Le film n’adresse pas de message politique, ne se pose pas non plus en juge de l’armée française ou du FLN. Il se veut une photographie d’un instant de guerre, à travers ses hommes, à travers aussi cette lutte déchirante entre algériens et français, compagnons sous le drapeau français lors de la Seconde Guerre Mondiale (voir Indigènes) et s’évertuant à sacrifier le peuple plutôt que de poser les armes et, pour le gouvernement français, autoriser l’indépendance de l’Algérie et de son peuple vis-à-vis de la France. Un gâchis sur plusieurs générations, un drame pour les combattants algériens aux côtés de l’armée française, ni vraiment français, plus vraiment algériens, ces harkis qui seront honnis et méprisés par les deux pays.

 

Très bien mis en scène par le jeune cinéaste, grâce à une belle photographie et des scènes marquantes comme celle des « bidons », L’ennemi Intime, que chacun interprètera selon sa perception, est servi par des comédiens justes et dont la présence est indéniable.

 

Benoît Magimel continue un parcours singulier, fait de rôles fiévreux, interprétant ici le lieutenant Terrien dont les idéaux vont être mis à mal par la rudesse de la guerre. A ses côtés, Albert Dupontel est impeccable, portant en lui les douleurs d’un passé guerrier, brisé par des évènements qui l’ont depuis longtemps dépassé. Aurélien Recoing, dans un plus petit rôle, se révèle pourtant essentiel  et donne au spectateur une meilleure vision de ce que fût cette guerre, du côté du terrain comme du côté des élites.

 

Le film n’occulte pas la torture, sujet incontournable lorsque l’on évoque la Guerre d’Algérie, n’hésite pas à la montrer de front pour mettre en évidence la barbarie ambiante et les crimes impunis de certains « héros » de la Guerre.

 

Une guerre coloniale sanglante dont les stigmates sont encore aujourd’hui perceptibles et que les peuples algériens et français essayent tant bien que mal de dépasser, et non d’oublier, afin de réunir des peuples qui furent autrefois unis dans les moments difficiles.

 

Un film marquant, à découvrir au plus vite !

 

Arnaud Meunier

19/09/2007